Page:Maurras – anthinea.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
anthinéa

de la danse du bateau à chaque effort de la machine. Tout cela, loin d’y nuire, sert, paraît-il, notre voyage. Il faudrait qu’un dieu ennemi vînt se mêler de nos affaires pour que cette lettre ne fût pas jetée à la boîte du Pirée, dans la soirée ou peut-être dans l’après-midi de demain.

En attendant, la belle vie qu’on mène à bord ! Si, comme c’est mon cas, vous avez un ami d’esprit inquiet, de cœur docile, enfin qui soit doué pour la vie monastique, dont il soit détourné par l’incrédulité, n’hésitez pas, je vous en prie : conseillezlui la vie du bord. C’est un couvent laïque et flottant que le paquebot. Aisance, liberté, spiritualité, c’est toute la joie du couvent. Au milieu d’étrangers, en général peu sympathiques et à qui néanmoins ne se marchandent pas les témoignages de déférence, on est tout entier à soi-même. Non à ce moi un peu mesquin qui mène la vie quotidienne. Je pense au moi supé our, presque affranchi de l’habitude, seulement soucieux de se développer dans les hautes voies de l’esprit. Le son d’une cloche règle l’heure des deux repas que l’on prend en commun sous la présidence et faut-il même dire la surveillance des officiers. Ce dernier bruit du monde qui consiste à choisir un menu, à s’acquitter du prix d’un repas, s’est évanoui. L’on est aux mains du commandant, du commissaire, du maître d’hôtel. Avec le prix du passage, on s’est remis en eux