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ANTHINEA

qui ornent l’exquise tribune d’Érechtée, il fit détacher, enchaîner et conduire à son bord la plus belle. Rien ne saurait dire l’effet de la pieuse figure exilée. Le corps pur et vierge raidi sous la corbeille est frustré aujourd’hui de l’entablement qui l’explique. Séparée de la sphère de son monde architectonique, elle semble encore en souffrir et la qualité même de l’art qu’elle fait admirer ajoute à l’émouvante qualité de son deuil et à la tragédie de son isolement. Faut-il que je prononce le mot d’inharmonie ? Irréprochable, il ne lui manque qu’une beauté et qu’un honneur mais, de tout son être, elle y tend. Elle veut recouvrer le fardeau qui convenait à sa douce tête et reconquérir sa patrie. Lord Byron, qui la comprenait, traita fort durement son compatriote Elgin et tous les Anglais. On ne l’a jamais écouté. En ces derniers jours seulement, l’Angleterre a généreusement fourni à la Grèce un moulage qu’il me souvient d’avoir vu sans admiration.

Les prises d’Elgin ont souvent quelque chose de cruellement inutile. Passe pour la jeune fille de la Tribune ! Mais que lui servit d’arracher cette corniche ? A quoi bon détacher ces fragments d’architrave ? Tous débris dont je ne nie pas la valeur propre, mais qui valaient surtout à leur place dans l’édifice. Il fallait enlever celui-ci pierre à pierre, ou lui laisser les cléments qui ne peuvent s’en séparer.