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Page:Maurras - Kiel et Tanger - 1914.djvu/157

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suite du système hanotaux

patriotique, cet homme de l’Est, ce Lorrain, détourna les Français de « la trouée des Vosges ». Il ne réussit pas, faute d’un élément que le plan Hanotaux a fourni à ses successeurs. Il n’avait pu détruire le sentiment qu’il ne pouvait pas remplacer. Mais, peu à peu, quand, à la suite de mauvais heurts coloniaux, on eut marié la haine de l’Angleterre à celle de l’Allemagne, le cœur des citoyens cessa d’appartenir aux seuls « pays encore annexés ». Quelques doux songeurs parlaient bien de porter une guerre simultanée sur la Manche et sur le Rhin ; aussi fin que le charcutier d’Aristophane, notre public comprit qu’il ne pouvait regarder de ces deux côtés à la fois sans loucher : entre la Manche et le Rhin, le continent et l’Océan, il lui fallait choisir, et cette possibilité d’un choix créa vite l’état de doute et de partage qui tue les passions, dans les groupes d’hommes aussi bien que dans l’homme seul.

La passion de la Revanche tenait alors chez nous un rôle particulier. Ingénieusement, M. Robert de Bonnières, à la mémoire de qui l’on doit rendre cette justice, a soutenu un jour que, pendant vingt-cinq ans, cette idée de Revanche a servi de lien à l’unité française. Rien de plus vrai. C’est une belle chose, mais rare, courte et d’autant plus précieuse que le gouvernement d’un peuple par une idée. Cette idée fut vraiment une reine de France[1]. Sa régence avait établi la discipline de nos

  1. Voir, à l’appendice ii, l’idée de la Revanche, d’après