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Page:Maurras - Kiel et Tanger - 1914.djvu/164

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kiel et tanger

forts. Plusieurs de ces rudes travaux furent accomplis par des hommes mourant de faim, qui ne s’arrêtaient de marcher ou de travailler que pour solliciter et obtenir l’amitié des tribus. Une seule comparaison vient à la pensée : on songe à la course des légions de Rome charriant avec elles le capital, l’élan, le génie et la vertu d’un monde civilisé. Chamberlain a nommé leur expédition « une des plus étonnantes et plus magnifiques dans l’histoire de l’exploration africaine. » Quel chef ! quels braves compagnons ! Que manquait-il donc à Marchand, qui servait brillamment, pour servir utilement ? Il ne lui manquait qu’une France. Son instrument colonial et militaire était parfait. Pour qu’il fût employé, il eût suffi d’un gouvernement à Paris.

En juillet 1896, ce gouvernement n’existait pas. C’était un malheur grave ; mais le pire malheur était qu’il eût l’air d’exister. Il avait toutefois un peu d’existence réelle, dans l’ordre que les philosophes appellent la catégorie de la simultanéité, de l’espace ; l’Élysée, le quai d’Orsay, la présidence du Conseil, étaient occupés par trois hommes qui agissaient avec un certain ensemble ; mais ils ne possédaient vraiment ni la certitude ni la puissance de prolonger cette action au-delà de la minute écoulée. Quant à la catégorie du successif et au point de vue de la durée, le Gouvernement qui envoyait Marchand vers le Nil et qui avait grand besoin de se maintenir au pouvoir, du moment qu’il venait d’engager et d’hypothéquer l’avenir en visant