Aller au contenu

Page:Maurras - Kiel et Tanger - 1914.djvu/217

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
95
la diplomatie spéculative

stipulations fut perdu de vue, on n’en apercevait plus que le titre flottant, dans une brume vague où les solides milliards de M. Carnegie ou de M. Rockefeller auraient été amalgamés à la pâte indécise des trésors de Mme Humbert. Cet état d’esprit était si bien celui des gouvernants radicaux que, à la première épreuve que subit notre allié russe, ils perdirent à peu près toute notion des signatures échangées, des revues passées ensemble, des visites reçues et rendues entre lui et nous : de toute évidence, les cérémonies dans lesquelles on s’était coudoyé, les grands noms, les grands mots, les banquets à discours, les tapages, l’apparat et la chamarrure avaient entièrement caché à ceux qui contractaient en notre nom le fond et le corps du contrat, qui était l’engagement défini de quelque chose de concret, les forces françaises, à une autre chose concrète, les forces de la Russie.

À ce vertige de grandeurs imaginaires, à cette faiblesse de cœur et d’esprit, s’était ajoutée l’influence d’un préjugé maçonnique extrêmement puissant sur tous les vieux républicains. Ce préjugé veut que l’ère des guerres soit bien close en Europe et que, hors d’Europe, tout doive toujours s’arranger à l’amiable par des sacrifices mutuellement consentis entre les puissances coloniales.

On s’était quelquefois arrangé en effet. Des conventions idéalistes, comme celles qui ont été passées entre l’Angleterre et nous, oont paru réaliser sur la terre un bon type d’équitable balancement. Tout le monde donnait, tout le monde