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Page:Maurras - Kiel et Tanger - 1914.djvu/240

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kiel et tanger

l’Angleterre s’était étonnée de notre promptitude à oublier le fameux programme de recueillement contre les Prussiens. Non contents d’être en paix avec eux, nous avions été sur le point de faire la guerre pour eux. Elle avait épié la baisse graduelle, puis l’éclipse totale des rancunes et des souvenirs qui l’avaient jusque-là déchargée de bien des soucis continentaux. La rencontre de Kiel en 1895 fut sa première alerte ; notre accueil « enthousiaste »[1] aux produits et aux exposants allemands de 1900 lui causa une surprise plus sensible encore. Enfin, au mois d’août de la même année, quand le feld-maréchal Waldersee fut nommé au commandement des troupes européennes, et par conséquent françaises, en Chine ; l’Angleterre observa avec stupeur que notre esprit public ne se cabrait plus ; si la France ne donnait aucun signe d’approbation, ses improbations étaient rares, et elles exprimäient le sentiment d’un parti ou d’une classe plutôt que celui du pays, occupé tout entier des affaires et des plaisirs de l’Esplanade ou du Champ-de-Mars.

Et les Anglais se demandaient si nous allions nous mettre à aimer l’Allemand.

Si les Anglais ont commencé par laisser s’opérer l’annexion de l’Alsace-Lorraine, s’ils ont suivi alors les vues de Bismarck, c’était afin que les Français fussent gardés par un ressentiment vivace de

  1. Gaulois du 27 septembre 1905 ; article de M. Arthur Meyer, qui appelle les choses par leur nom.