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Page:Maurras - Kiel et Tanger - 1914.djvu/367

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appendice ii

bien nous en dire, on voit quel pouvait être, vers 1871, l’état d’esprit des patriotes républicains, dont il parle avec une pointe de malignité saisissable :

« Un soir, dans notre petit café, on parlait de la Revanche, dont personne ne doutait, et que nous croyions tous, ou presque tous, prochaine. Clemenceau me dit : « Es-tu sûr de la fidélité des Alsaciens ? Pendant combien de temps nous feront-ils crédit ? — Soyez sans inquiétude, répondis-je à mes amis. L’Alsace vous laissera le temps nécessaire. Seulement il faut qu’il lui soit bien démontré que la France ne l’oublie pas. » Cinq ans de patience nous semblaient alors le maximum qu’on pût demander à nos frères annexés, et ce délai paraissait bien long à beaucoup d’entre nous. Pour moi, instruit par l’expérience de la guerre, je reportai à quinze ans l’échéance suprême. Hélas ! vingt-quatre ans se sont écoulés au moment où j’écris ces lignes, et l’Alsace attend toujours, toujours fidèle. La France l’est-elle autant ? Depuis un quart de siècle, elle trouve dans son patriotisme les moyens de supporter des charges écrasantes et de concilier l’existence d’une armée permanente, formidable, avec les aspirations d’une démocratie républicaine. Une nation capable d’un si long effort mérite une récompense de la destinée… »

II

À la date où Scheurer-Kestner écrivait ces lignes (1894-1895), il était presque indifférent que l’échéance fût reculée. L’imagination des Fran-