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l’ordre positif d’après comte

Platon a remarqué que certaines questions politiques nous posent en gros caractères des problèmes écrits en traits menus et fins dans les cas individuels. Auguste Comte aurait peut-être été moins clairvoyant si les événements auxquels il assista[1] n’avaient pas posé devant lui, en des termes politiques et sociaux très pressants, sous une forme révolutionnaire et sanglante, ce qu’il appelle, dans la plus stricte et la plus émouvante de ses formules, l’immense question de l’ordre.

Pour trouver l’ordre, l’ordre intellectuel et l’ordre moral autant que l’ordre politique, il circonscrivit du mieux qu’il put le domaine de l’anarchie.

Un fait originel le frappa.

Si l’anarchie tenait : 1° la société presque entière, 2° diverses provinces du cœur, et 3° plusieurs départements de l’intelligence, il observa pourtant qu’il existait des régions sereines dans lesquelles cette anarchie ne régnait pas ou ne régnait plus. On trouve dans un de ses opuscules de 1822 cette remarque digne d’une longue mémoire, car elle inaugure une époque : « Il n’y a point de liberté de conscience en astrono-

  1. On trouverait, en dépouillant la correspondance d’Auguste Comte, les traces de l’émotion profonde que lui causaient les troubles contemporains. Il en éprouvait un étonnement douloureux, et les victoires de l’ordre lui causaient une admiration plus vive encore. « À voir les attitudes actuelles », écrivait-il, « on se demande ce que deviendrait le monde social, si les vivants, malgré leur révolte moderne, n’étaient pas, et même de plus en plus, gouvernés par l’ensemble des morts, heureusement impassibles au milieu de nos vaines paniques de rétrogradation ou d’anarchie ».{Lettres d’Auguste Comte, à divers, t. i, première partie.)