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valeur de l’ordre positif

la division des instincts en altruistes et en égoïstes a-t-elle l’évidence que l’on souhaiterait ?

Quelque graves que soient ces doutes, ils n’atteignent pas la doctrine, dont les grands traits subsistent.

— L’histoire de l’Europe contemporaine, celle qui va des environs de 1854 à 1904, donne également un démenti aux rêveries pacifiques de la religion de l’Humanité ; mais ce démenti de détail communique au système total une vigueur, un intérêt que l’on peut nommer actuels : le positivisme paraît d’autant plus vrai et d’autant plus utile que ses meilleures espérances sont déjouées[1]. C’est qu’il est, par-dessus tout, une discipline.

Pas plus qu’il ne diminuait la famille au profit de la patrie, Comte n’affaiblissait la patrie au profit de l’humanité : la constitution de l’unité italienne et de l’unité allemande, l’extension de l’empire britannique et de l’empire américain, nos défaites de 1870 auraient probablement inspiré à Comte, s’il eût atteint, suivant son rêve, à la longévité de Fontenelle, des retouches très sérieuses, mais très faciles, et que plusieurs de ses disciples n’ont pas craint d’accomplir, sur l’article de la Défense française et du renforcement de notre nationalité[2]. Jusqu’à nouvel ordre, pour fort longtemps peut-être, la patrie représentera le

  1. Notons bien que c’étaient des espérances conditionnelles.
  2. Il serait aisé de trouver dans la Revue occidentale de M. Pierre Laffitte des traces expresses de ces retouches nécessaires. De son côté, M. Antoine Baumann, qui n’appartient pas à l’obédience de M. Laffitte, a (plus profondément) accusé les mêmes tendances.