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le fondateur du positivisme

est tellement disposé à l’affection qu’il l’étend sans effort aux objets inanimés, et même aux simples règles abstraites, pourvu qu’il leur reconnaisse une liaison quelconque avec sa propre existence.

Cette page est tirée d’un volume du Système de politique positive paru en 1852. Il n’en avait point écrit de pareille dans les six in-octavo de la Philosophie positive, et je crois fermement que, sans l’idée de Clotilde, cette page aurait toujours dormi dans son cœur. Cette douce Béatrice, dont un culte trop détaillé ne pourra détruire le charme, éveilla chez Comte la « grande âme », « l’âme d’élite », qui s’ignorait d’abord en lui. La naïveté du philosophe put s’en accroître, avec cet orgueil, fait de confiance naturelle, sans lequel il n’eût jamais tenté ses travaux ; il y gagna ainsi de la véritable noblesse, dirai-je de la sainteté ?… « Il me rappelait une de ces peintures du moyen âge qui représentent saint François uni à la Pauvreté. Il y avait dans ses traits une tendresse qu’on aurait pu appeler idéale plutôt qu’humaine. À travers ses yeux à demi fermés, éclatait une telle bonté d’âme qu’on était tenté de se demander si elle ne surpas-

    particularité. Les mots dont il se sert ont toujours de la propriété, en ce sens qu’ils pourraient fort bien être les mots convenables : mais ce ne sont pas ceux que l’usage a élus. Ainsi dit-il sans cesse le Pont-Nouveau. Or, on dit le Pont-Neuf. Il ne semble pas s’en douter. Ce grand homme, qui a inventé une forte partie de sa langue et qui atteint ainsi à la plus étrange éloquence, ne s’est peut-être donné tant de mal qu’en raison de ce qu’il naquit à Montpellier dans une famille de condition modeste, où le dialecte languedocien devait être le seul d’usage courant.