Quant à Sapho, ce n’est ici qu’une matière. La poétesse grecque du viie siècle avant notre ère n’est étudiée, aperçue et traduite qu’à travers une opaque vapeur baudelairienne. La Lesbos de Renée Vivien est la « terre des nuits chaudes et langoureuses » battue par le flot romantique, sur lequel s’en alla « le cadavre adoré ». Elle a conçu la porteuse de lyre selon l’esprit de 1857. Cette déformation de l’Antique vaut la peine d’être observée : elle est très personnelle, car elle est faite de bon cœur ; elle n’était pas nouvelle chez Baudelaire.
La Sapho de Renée Vivien diffère d’un recueil de simples traductions comme en ont tenté, de nos jours, M. André Lebey et M. Pierre Louys ; et ce n’est pas non plus une adaptation libre comme s’en est permis la poésie de tous les temps. Sapho avait dit : « Telle une douce pomme rougit à l’extrémité de la branche, à l’extrémité lointaine ; les cueilleurs des fruits l’ont oubliée, ou plutôt ils ne l’ont pas oubliée, mais ils n’ont pu l’atteindre ». Que l’auteur de Miréio ait rencontré ce fragment perdu, le souci de le transporter textuellement dans sa langue ne lui vient certes pas, mais, comme une pousse de vigne engendre un autre cep, comme l’ébranlement donné par un poète ébranle une autre imagination poétique, de nouvelles