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l’avenir de l’intelligence

tion délicate du jugement et de la raison, un mélange d’intuition et de calcul peuvent entrevoir et saisir ce que vaut promesse ou menace. J’avouerai que le meilleur guide en ces sortes d’enquêtes est encore un refrain du poète de ma Provence : « L’amour mène et l’art nous seconde. » Gardez-vous donc bien d’être dupe de la sécheresse et du tour abstrait de ce petit livre. La philosophie n’y paraît que pour éclaircir et fixer le sentiment.

Heureux qui songe de sang-froid aux profonds changements qui s’opèrent autour de nous ! Je ne suis pas ce contemplateur altissime. Le spectacle est trop beau et trop riche d’indications, n’y voulût-on frémir que de l’enthousiasme de la curiosité. Mais nous n’en sommes plus, ni vous, ni moi, mon cher ami, à la belle saison où l’œil ne peut se distinguer des chaudes couleurs qu’il admire. Voici la vie, l’expérience. Et voici la faiblesse humaine enfin sentie. La sensibilité se mêle à la pensée. Elle organise de profonds retours sur nous-mêmes : ce mécanisme des mœurs modernes qui s’institue ! cette distribution nouvelle des énergies, qui tend à effacer vie moyenne et classes moyennes ! ce char électrique qui passe, redivisant le monde en plèbe et en patriciat ! Il faut être stupide comme un conservateur ou naïf comme un démocrate pour ne pas sentir quelles forces tendent à dominer la Terre. Les yeux créés pour voir ont déjà reconnu les