Page:Maurras - L’Avenir de l’Intelligence.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Laissons donc s’entr’ouvrir le péplum, tomber la chlamyde ; une femme moderne paraît, toute vêtue, pourvue des notions de la vie et des idées du monde que les vieux romantiques lui ont élaborées. Ses meilleurs vers sont ceux où notre contemporaine, désertant Lesbos et Psapphâ, ne traduit qu’elle-même. Son premier mouvement trahit les grandes lignes de ce christianisme anglo-saxon qui exalte le mal afin d’en ressentir l’agréable pitié. « La ténuité morbide », « le regret », « l’avorté », « l’inachevé », « le vague », voilà les beaux noms qui la charment. Ils la font crier de bonheur. Elle en joint les mains, elle prie. Quel Dieu ? C’est le Dieu douloureux ; pis encore, le Dieu qui a fait la douleur, qui, en l’infligeant, la subit. C’est un Dieu féminin, en l’honneur de qui la fameuse théorie de la décadence est remise à neuf :

Déesse du couchant, des ruines, du soir !

Et la pièce d’où je tire cette invocation célèbre, avec une éloquence dont on est pénétré, la beauté de tous les déclins :

L’odeur des lys fanés et des branches pourries
S’exhale de ta robe aux plis lassés : tes yeux
Suivent avec langueur les pâles rêveries !
Dans ta voix pleure encor le sanglot des adieux.