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renée vivien


Tu ressembles à tout ce qui penche et décline.
Passive, et comprimant la douleur sans appel
Dont ton corps a gardé l’attitude divine…


… Au fond de l’angoisse infinie
Tu savoures le goût et l’odeur de la mort.

Mais voici l’admirable : où Baudelaire avait produit l’impression d’un mystificateur éloquent, cette jeune fille nous touche par l’accent de sincérité.

Elle est pourtant bon virtuose. Mais il est impossible de se borner à dire qu’elle utilisa le calice modelé par son maître en y versant un liquide plus chaleureux. Car elle ajoute encore aux habiletés, aux finesses, aux ruses innombrables de l’art baudelairien. Je ne parle pas seulement des molles inflexions, des promptes transitions qui lui sont familières et dont on sait que Baudelaire fut de beaucoup plus incapable que Despréaux lui même. Je ne parle pas des poèmes pareils à cette Ondine, maligne et douce, où les mots sont si bien jetés, les syllabes si pures ! Comparée à la fameuse pièce du maître : Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères, elle l’emporterait par le tour facile, le ton libre et heureux :

Ton rire est clair, ta caresse est profonde ;
Tes froids baisers aiment le mal qu’ils font


Ta forme fuit, ta démarche est fluide
Et tes cheveux sont de légers réseaux,
Ta voix ruisselle ainsi qu’un flot perfide,
Tes souples bras sont pareils aux roseaux,