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Page:Maurras - L’Avenir de l’Intelligence.djvu/197

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madame de régnier

Si donc Mme de Régnier eût été douée d’une intelligence docile, la nature et l’histoire la vouaient à quelqu’un des trois états du romantisme, sauf à en découvrir, pour son compte, un quatrième. Mais le monde et la vie ont plus de fantaisie imprévue ou plus d’ironique sagesse que ne leur en prêta l’esprit de système. On subit quelquefois son milieu et ses ascendants : il arrive aussi de les contredire. Rien ne dut être plus amusant à considérer que la rébellion secrète de cet esprit contre les deux autorités les plus dignes de sa tendresse et de son respect.

La conséquence en fut piquante ; car ses premiers vers enthousiasmèrent précisément les esprits auxquels une strophe des Poèmes anciens et romanesques, un seul vers des Trophées ou des Conquistadors causaient depuis longtemps une espèce d’horreur nerveuse. Des ennemis intimes de Régnier et d’Heredia passèrent leur hiver à se répéter le distique qu’ils avaient lu :

Le rameur qui m’a pris l’obole du passage
Et qui jamais ne parle aux ombres qu’il conduit,

Quand ils l’avaient bien répété, ils ajoutaient l’expression inlassable de leur surprise :

— Quoi ! dans la maison du vieux peintre coloriste des lignes d’un dessin si fier ! Quoi ! chez le détestable tourneur de petits vers libres et mous, un rythme, un ton si vigoureux ! Chez des hommes qui n’eurent jamais que des mots, sonores ou coloriés, dans l’esprit, on sait donc inscrire une idée ! Cette idée du Caron