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le romantisme féminin

sentaient, en définitive, que le troisième état d’un seul et même mal, le mal romantique, comme les Parnassiens en montraient le deuxième état.

Mme  de Régnier avait ouï recommander autour de son berceau les bonnes et loyales compositions qui détachent le vers et gonflent la rime. Sous le toit conjugal, elle apprit comment, à son tour, le mot peut être libéré. Elle lut les poèmes de M. Mallarmé où c’est l’harmonie propre des premiers mots venus qui détermine le choix ou plutôt la venue des autres. L’imagination du poète, tentée par un vocable, remet à ce vocable la souveraineté absolue, l’autorité illimitée ; le sens lui-même perd son droit de direction et de composition : il ne subsiste qu’une orientation indécise, fondée sur des ressemblances de syllabes et des analogies de son, qui permet d’entrevoir sous l’apparat des matériaux plus ou moins agréables, les fumées d’une insaisissable rêverie. Sorte de tachisme littéraire, tantôt visant à des effets de pure euphonie et tantôt animé d’une obscure philosophie. Si M. Henri de Régnier s’est toujours gardé de donner toute sa confiance à cet art, il lui a témoigné de l’inclination et de la sympathie. Un de ses confrères, M. Retté l’appela un opportuniste du symbolisme. C’était bien définir l’ambiguïté de cette attitude repoussée et charmée tour à tour. De quelque façon qu’il s’y prît, qu’il inclinât vers le Parnasse ou qu’il se tournât vers M. Mallarmé, son art conspirait également à la destruction de l’art français par le maintien du désordre intellectuel.