nous avons à saluer l’influence persistante et vivace des romantiques sur le plus brillant esprit féminin. C’est bien d’eux que Mme de Noailles a mémoire quand elle songe, écrit et vit. La face épanouie de la lune l’émeut à peu près des mêmes pensées qui auraient visité l’imagination d’une affiliée du Cénacle. C’est la rêverie de Musset devant Phœbé la blonde. À propos d’animaux, des « sobres animaux », quand elle les admire et les salue un à un, en suppliant une divinité champêtre de la rendre elle-même pareille à ces bestiaux suaves,
(Rendez-nous l’innocence ancestrale des bêtes !)
le souvenir de Baudelaire s’entrelace à celui de Vigny, qui voulait que les animaux fussent nos « sublimes » modèles. Enfin, elle s’est exercée à fusionner, sur les savants exemples de Victor Hugo, le matériel et le mystique, le pittoresque et le rêvé, le sentiment et la chair :
Ah ! le mal que ces deux cœurs, certes,
Se feront ;
Le vent éperdu déconcerte
L’astre rond,
La lune au ciel et sur l’eau tremble,
Rêve et luit ;
Nos deux détresses se ressemblent,
Cette nuit.
Il monte des portes de l’âme
Un encens ;
C’est l’appel du cœur, de la flamme
Et du sang.