sité du spectacle. Cependant, ces efforts de description intérieure participent de la science plus que de l’art. Il me semble que le succès en sera toujours relatif. Si, d’un tableau à un autre, il n’existe jamais de copie parfaite, comment serait-on jamais satisfait de la version de nos états intérieurs dans le langage extérieur, de notre vie propre dans un mode qui est commun et qui doit l’être[1] ? Quelque concret et sensuel que soit un style, les mots sont toujours une algèbre, leurs symboles ne feront jamais la réalité : ils ne la refléteront même pas.
Aussi n’est-on jamais satisfait, même de l’outrance, et faut-il toujours la porter plus avant. Par essais graduels, par entraînement méthodique, les phénomènes insensibles ou à peine perçus jusque-là prennent une forme distincte. L’hyperesthésie maladive s’accentue volontairement et s’accompagne de perversions bizarres. La couleur des mots apparaît, leur arôme s’annonce. En même temps qu’il se colore et se parfume, l’univers intellectuel commence à revêtir un aspect plus aigu, dont le patient commence à souffrir. Ce qui chatouillait blesse, ce qui blessait déchire. Cette tension nerveuse, développée, accrue par la volonté complaisante, devient un jour insupportable ; comme le gentilhomme dont M. Huysmans a dressé la monographie, on commence à se trouver assez mal portante ; comme Sabine de Fontenay, on court chez le docteur.
— Docteur, cela va très mal.
Il lui répondit :
- ↑ C’est le contraire du proprie communia dicere.