Page:Maurras - L’Avenir de l’Intelligence.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243
leur principe commun

La jeune école féminine est moins prudente. Avec raison. C’est un plaisir de femme que d’assortir les mots comme des étoffes. De subtiles analogies de sentiment et de sensation, mal démêlées ou conçues fugitivement par les rudes esprits virils, sont au contraire ici éléments naturels, quotidiens, de la vie de l’âme. On reprochait aux mallarmistes d’autrefois de se montrer scandaleusement féminins : ces mallarmistes d’aujourd’hui le sont très légitimement. Une seule différence : elles ne se résignent guère à l’obscurité du sens. La plus absconse veut être lue, comprise, approuvée. Elle écrit pour un public, et aussi large que possible. Les nerfs, la sensation, fort bien ! mais jusqu’au point où l’expression de la nervosité ferait le désert autour d’elle. C’est pour communiquer, bien plus que pour penser, que le langage, écrit ou parlé, fut donné aux femmes[1] La société avant tout ! Par là peut-être le romantisme féminin se corrige-t-il : ce qu’il a de trop particulier se généralise. Je crois que c’est aussi par là qu’il se propage et qu’il gagne de nouveaux sujets à sa déraison.

  1. Elles tendent à introduire dans la République des lettres une politesse charmante. L’une d’elles voyage, et ne peut signer la dédicace des exemplaires qu’elle destine à la critique. En pareil cas, nous prions l’éditeur de glisser notre carte de visite dans les premiers feuillets de chaque volume. Il y avait bien un bristol dans notre exemplaire d’Horizons, mais il portait toutes sortes d’aimables choses : « Madame L. Delarue Mardrus, en voyage, regrette de ne pouvoir dédicacer et signer ce volume. Adresse chez l’éditeur. » C’est d’un million de petites choses pareilles que se fait le progrès des mœurs.