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un dernier ami

et que Ninon, elle aurait survécu à son charme quelques saisons. M. de Boisgelin se serait détourné non de l’amie, mais de l’amante qui lui avait dédié sa dernière fleur. Le souci de mieux tenir sa place à la cour, des remords, des scrupules religieux seraient nés, au cœur de ce preux chevalier en même temps que la première ride de sa maîtresse. Le biographe s’avance un peu en opinant que dès lors Mlle de Coigny commença d’être malheureuse. Cessa-t-elle d’aimer ? de voir celui qu’elle aimait ? ou de le lui dire ?

M. Lamy a remarqué l’inflexion vraiment tendre de ce Mémoire politique, où « les caresses des mots » ne peuvent se cacher à la première ligne. « Dans un espace de près de trente années », dit-elle, « je ne mets de prix à me rappeler avec détail que les trois ou quatre dont les événements se sont trouvés en accord avec les vœux que M. de Boisgelin et moi nous formions pour notre pays. » La phrase entortillée se traduit d’au moins deux façons. L’amitié qui survécut à un noble amour en garda ce ton d’équivoque. Un souvenir était entre eux, cette Restauration du trône et de l’autel, qui dut sanctifier aux yeux du dévot pénitent ce que ses souvenirs lui peignaient de trop illicite, tandis qu’Aimée devait se complaire secrètement à la belle ordonnance de son dernier amour : il avait commencé par toutes les folies convenables entre deux esprits qui se plaisent ; à son déclin, il se parait de l’incomparable service rendu ensemble à la plus grande des réalités naturelles, la déesse de la Patrie.