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Page:Maurras - L’Avenir de l’Intelligence.djvu/34

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l’avenir de l’intelligence

d’exception, fussent-ils gens de plume, et le sort des grandes collectivités morales ou politiques dans lesquelles un homme de lettres peut être enrôlé, n’est pas ce que nous examinons à présent. Nous traitons de la destinée commune aux hommes de lettres, du sort de leur corporation et du lustre que lui valut le travail des deux derniers siècles.

Ce lustre n’est pas contestable ; nous fîmes tous fortune il y a quelque deux cents ans. Depuis lors, avec tout le savoir-faire ou toute la maladresse du monde, né bien ou mal, pauvre ou riche, entouré ou seul, et de quelque congrégation ou de quelque localité qu’il soit originaire, un homme dont on dit qu’il écrit et qu’il se fait lire, celui qui est classé dans la troupe des mandarins a reçu de ce fait un petit surcroît de crédit. Avec ou sans talent il circula, il avança plus aisément, car on s’écartait devant lui comme autrefois devant un gentilhomme ou devant un prêtre. Quelque chose lui vint qui s’ajoutait à lui. On le craignit, on l’honora, on l’estima, on le détesta ; de tous ces sentiments fondus en un seul s’exhalait une sorte d’estime amoureuse et jalouse pour le genre de pouvoir ou d’influence que sa profession semblait comporter. Il avait l’auréole et, si quelque uniforme l’avait fait reconnaître des populations, c’est à lui qu’on aurait fait les meilleurs saluts.