tout de ce qu’elle semblait être, entre 1860 et 1870. Le publiciste français qui en ce moment toucherait (c’est le mot propre) à l’ambassade d’Allemagne ou d’Angleterre se jugerait lui-même un traître. Mais une mensualité portugaise ou hollandaise ou, comme naguère encore, transvaalienne, serait-elle affectée du même caractère dans une conscience qu’il faut bien établir au niveau moyen de la moralité d’aujourd’hui ? Peut-être enfin que recevoir une mensualité du tsar ou du pape lui paraîtrait, je parle toujours suivant la même moyenne, œuvre pie ou patriotique. Et le Japon ? Doit-on recevoir du Japon ? Cela pouvait se discuter l’année dernière. La Prusse de 1860 était une sorte de Japon, de Hollande, en voie de grandir. Beaucoup acceptèrent ses présents avec plus de légèreté, d’irréflexion, de cupidité naturelle que de scélératesse.
C’est un fait qu’ils les acceptèrent ; si le moraliste incline à l’excuse, le politique constate avec épouvante que de simples faits de cupidité privée retentirent cruellement sur les destinées nationales. On peut dire : la vénalité de notre presse fut un élément de nos désastres. L’étranger pesa sur l’Opinion française par l’intermédiaire de l’Intelligence française. Si cette Opinion ne réagit point avant Sadowa, si, après Sadowa, elle n’imposa point une politique énergique à l’empereur, c’est à l’Intelligence mue par l’argent, parce qu’elle était sensible à l’argent, qu’en remonte toute la faute. Non seulement l’Intelligence ne fit pas son métier d’éclairer et d’orienter les masses obscures : elle fit le contraire de son métier, elle les trompa.