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Page:Mauss - Essais de sociologie, 1971.pdf/61

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Division concrète de la sociologie
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sentations et des actes, pour les faire comprendre les uns et les autres. C’est le fonctionnement de ces groupements qui décèle quel groupe pense et agit, et comment il pense et agit ; c’est ce fonctionnement qui dévoile pourquoi la société s’en remet à lui de cette pensée et de cette action, pourquoi elle se laisse suggérer par lui, pourquoi elle lui donne mandat d’agir. L’analyse se trouve terminée quand on a trouvé qui pense et qui agit et quelle impression cette pensée et cette action font sur la société dans son ensemble. Même, de ce point de vue, quand, dans des cas assez rares, c’est la société tout entière qui sent et réagit on pourrait presque dire qu’à ces moments, elle agit comme si elle formait un groupe spécial ; ce qui est évident, lorsque par exception pour quelques jours ou semaines, la congrégation sociale tout entière peut être formée, par exemple, dans certaines sociétés australiennes, américaines.

Il y a donc une sorte de lieu géométrique entre les phénomènes physiologiques et les phénomènes morphologiques : c’est le groupe secondaire, la structure sociale spéciale qui reste relativement isolée. Il y a une sorte de morphologie mixte. Elle aide à déterminer ces groupes secondaires : les organes divers de la vie sociale, dont la séparation permet de séparer les diverses sociologies spéciales ; celles-ci étant au fond toutes (sauf la morphologie pure) des parties de la physiologie sociale. Celle-ci comprend donc, elle aussi, l’étude de certaines structures. C’est même en décrivant celles-ci, en voyant comment l’homme se comporte à l’église, au marché, au théâtre, au prétoire, que se font au mieux les sociologies spéciales. Ce que nous proposons c’est que l’on fasse pour toutes les différentes structures sociales et leurs activités ce que l’on n’a fait jusqu’ici à fond que pour le clan et la famille. Cette étude des groupes secondaires, des milieux dont est composé le milieu total, la société, celle de leurs variations, altérations, de leurs réciproques actions et réactions est, à notre avis, une des choses non seulement les plus souhaitables mais les plus faciles et les plus urgentes qui soient. C’est là, encore plus que dans la pratique sociale — l’institution étant toujours à quelque degré figée — que se constate la véritable vie, matérielle et morale en même temps, le comportement du groupe. Même les processus collectifs d’idéation, de représentations, peuvent être traités de cette façon. Elle semblera bien terre à terre et même bien lointaine et inadéquate