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Division concrète de la sociologie
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IV. UTILITÉ DE CETTE DIVISION
POUR UNE SOCIOLOGIE GÉNÉRALE CONCRÈTE

C’est surtout au point de vue de la sociologie générale que cette division a des avantages. Elle la prépare directement. Dans cette sociologie concrète, on a donc de mieux en mieux décrit les rapports qui existent entre les divers ordres de faits sociaux considérés tous ensemble et considérés chacun séparément : morphologiques et physiologiques d’une part et, en même temps, religieux, économiques, juridiques, linguistiques, etc. C’est alors qu’on peut entreprendre de constituer vraiment une sociologie en même temps générale et cependant concrète.

Le procédé est simple, c’est d’étudier tous ces rapports. Par un côté même, la sociologie générale consiste dans la découverte de ces rapports.

D’ailleurs ce nom de sociologie générale prête à l’erreur. Elle n’est pas le pur domaine des pures généralités, surtout des généralités hâtives. Elle est, avant tout, l’étude des phénomènes généraux. On appelle généraux ceux des phénomènes sociaux qui s’étendent à toute la vie sociale. Mais ils peuvent être tout à fait particuliers, précis ; ils peuvent manquer ici et là, et être même restreints à des sociétés déterminées. Ces phénomènes généraux sont ceux : de la tradition, de l’éducation, de l’autorité, de l’imitation, des relations sociales en général, entre classes, de l’État, de la guerre, de la mentalité collective, de la Raison, etc. Nous négligeons ces grands faits et les négligerons probablement encore longtemps. Mais d’autres ne les oublient pas. Sur l’autorité, on peut citer le livre de M. Laski. Durkheim et les partisans de la Social Pedagogics traitent de l’éducation. D’autres auteurs réduisent même la sociologie tout entière à ces considérations des faits généraux : c’est le cas de Simmel et de ses élèves, celui de M. von Wiese et de sa « Beziehungslehre ». Nous ne sommes pas trop d’accord avec eux ; mais ils ont raison de ne pas considérer l’étude des édifices sociaux comme relevant de la seule sociologie juridique. Sur l’État et les nécessités de son étude, nous allons revenir incessamment à propos de la sociologie appliquée et de la politique.