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Page:Maximilien Ringelmann - L'électricité dans la ferme.djvu/66

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la ferme du Buisson, est reliée à l’usine de Noisiel par des câbles qui apportent l’énergie électrique (produite par la chute d’eau de Noisiel) nécessaire à l’éclairage de la ferme et à la mise en marche des machines : deux installations de transmissions sont en usage courant au Buisson :

1° Une machine à battre d’Albaret, locomobile à grand travail, munie d’un appareil lieur, accouplée directement à une dynamo, d’une puissance de 8 chevaux.

2° Une petite dynamo commande l’atelier de manipulation des aliments et actionne un laveur, un élévateur, un coupe-racines, un hache-paille, un concasseur et un aplatisseur.

Dans combien de cas les agriculteurs ne trouveraient-ils pas avantage soit à louer des petits moulins déjà installés (beaucoup de ces moulins sont aujourd’hui à louer à bas prix, abandonnés qu’ils sont par suite de la crise provenant de la substitution des cylindres aux meules), et dans combien de cas ne pourrait-on pas établir une chute d’eau spécialement affectée au service de la ferme ?

On a eu aussi l’idée d’utiliser les moteurs à vent ; mais le problème, qui devient plus complexe, présente moins de chances de succès : il faut, en effet, un intermédiaire entre le moteur à vent et la dynamo ; cette dernière, pour fonctionner dans de bonnes conditions, exigeant un mouvement uniforme[1]. L’installation par moulin à vent comprendrait, en général :

Un moulin à vent actionnant des pompes élevant l’eau dans un réservoir. L’eau du réservoir s’écoulerait pendant un temps donné sur une roue ou un autre moteur hydraulique auquel serait accouplée la dynamo, qui probablement nécessiterait l’emploi d’accumulateurs.

Il y a là trop de machines intermédiaires pour que l’application soit économique, même avec la puissance gratuite du vent ; ainsi, pour fixer les idées, supposons, dans les meilleures conditions de fonctionnement, que les rendements soient :

Pour la pompe, 70 %.
Pour le moteur hydraulique, 80 %.
Pour la transmission et dynamo (rendement électrique), 90 %.
Pour les accumulateurs, 40 %.

Le rendement électrique final serait :

S’il s’agit d’une transmission de puissance, en fixant le rendement de la réceptrice à 50 %, le rendement final serait de .

C’est-à-dire qu’on ne dépasserait pas au maximum 10 % et qu’au contraire il y aurait beaucoup de chances pour obtenir en pratique un rendement bien plus faible qui n’atteindrait peut-être pas 6 à 7 %. Or, faire une installation si compliquée et par suite si coûteuse pour ne recueillir que 7 % du travail utile fourni par le moteur à vent, n’est pas à conseiller, même, comme certaines personnes pensaient le faire, en établissant les moteurs sur le littoral où le vent souffle d’une façon presque continue.

On peut encore examiner la question sous une autre face. Beaucoup d’usines installées en pleine campagne, notamment les sucreries, ont des moteurs à vapeur qui chôment une grande partie de l’année. Pourquoi, après entente avec les agriculteurs compris dans un rayon de 5 à 6 kilomètres, ces usines ne pourraient-elles pas se transformer en usines centrales d’électricité à l’instar de celles établies dans nos villes ? L’usinier et l’agriculteur y trouveraient certes un profit, l’un en utilisant une partie de son matériel, l’autre en ne payant que l’électricité consommée, alors qu’aujourd’hui les compteurs d’électricité sont rentrés dans la pratique courante.

Si nous généralisons, il n’y a pas que les sucreries qui peuvent se transformer en générateurs d’électricité utilisée dans les exploitations agricoles environnantes ; il y a tous les établissements industriels répartis en si grand nombre dans nos campagnes : les filatures, les minoteries, les usines métallurgiques, les fabriques de produits chimiques, les mines, etc., etc. La solution de ce problème aurait une importance sociale et économique de premier ordre, et peut-être est-il réservé à l’Électricité de provoquer le rapprochement intime de l’Industrie et de l’Agriculture et de nous faire assister à l’union fraternelle des travailleurs concourant chacun dans leur sphère d’action au bien-être de la Société.

  1. Plusieurs ingénieurs s’occupent actuellement d’assurer, par un réglage électrique, le mouvement uniforme des moteurs à vent.