regard étrangement fixe, le faisaient craindre et ménager ; les Indiens, superstitieux, voyaient en lui soit un sorcier, jeteur de sorts, ou un innocent, ami du Manitou ; dans l’un ou l’autre cas, il ne fallait pas risquer sa colère… Alors on lui donnait volontiers des vivres pour sa nourriture et de chaudes peaux de bête qui lui servaient de vêtement et de couverture.
Le jeune Huron, devenu ainsi étrange et nomade, n’était pas, cependant, un insensé ; il se rendait parfaitement compte de ses actions ; il voyait bien qu’on le craignait et il en profitait pour se procurer facilement ce dont il avait besoin ; toutefois, il avait complètement perdu la mémoire de son passé ; la vie ne comptait pour lui que du jour où il avait commencé son existence errante… De son enfance au bourg des Hurons, son adolescence à la tribu des Neutres, de ses parents véritables ou adoptifs, nul souvenir. Une chose, néanmoins, faisait exception et occupait sa pensée, car dans le nuage opaque qui obscurcissait sa mémoire un point lumineux se détachait : la figure suave de la Robe-Noire qui l’avait guéri… il ne savait de quel mal… La petite médaille du jésuite, passée dans une mince lanière de cuir, ornait toujours sa tunique.
Dans ses voyages ou plutôt ses pérégrinations, il apercevait parfois un missionnaire ; il accourait alors, espérant revoir la figure qui hantait toujours ses rêves de déséquilibré… le prêtre se tournait vers lui… non, non, ce vi-