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MOMENT DE VERTIGE

votre bonne regarder faire les foins dans les champs de mon père, et vous me disiez, à moi, garçonnet d’une dizaine d’années : « Noël, g’and l’ami, je veux monter sur la g’ande, g’ande voiture de foin ! » Alors je vous prenais dans mes bras de gamin et je vous hissais sur le dessus du voyage, m’installant ensuite près de vous, car lorsque la charrette se mettait en marche la petite Marthe tremblait de peur et de ses mains potelées serrait bien fort le bras de son g’and l’ami !

— Mais en grandissant, je ne connaissais plus la peur, dit Marthe en riant, et je foulais le foin aussi bravement que vous !

— Oui… vous êtes vite devenue indépendante !

— Et vous, collégien, étudiant… vous êtes devenu plus lointain !

— Les études classiques changent la mentalité d’un petit paysan, dit Noël. Oui, je suis devenu un peu sauvage, un peu ombrageux… mais il ne pouvait en être autrement, Marthe ; je voyais la vie sous un autre jour… le monde des idées s’ouvrait… un monde inconnu et nouveau pour moi !

— Mon père a toujours eu beaucoup d’amitié pour vous dit-elle.

— Je le sais… je n’oublierai jamais qu’il m’a dit un jour : « Ton père, je le considérais mon ami » !

— Papa estimait beaucoup vos parents et maman aussi, dit Marthe doucement, voyant que Noël