— Écoute-moi attentivement, Abou el Reïsan. Consentirais-tu à me louer entièrement ton vaisseau d’ici au Caire ? »
Le capitaine me regarda avec élonnement ; cependant il comprit bien vite le but de ma question.
« Oui, dit-il.
— Donc c’est moi qui suis le propriétaire de la dahabïe maintenant ?
— Oui.
— Et toi, comme patron, tu dois m’obéir ?
— Oui.
— Tu n’es plus responsable que de la manœuvre ?
— C’est cela.
— Appelle donc tes matelots. »
Sur un cri tous accoururent. Hassan leur tint à peu près ce discours :
« Matelots, sachez que cet Effendi, appelé Kara ben Nemsi, vient de louer ma dahabïe jusqu’au Caire ; n’est-il pas vrai, Kara ben Nemsi ?
— Parfaitement vrai.
— Donc, les hommes, si l’on vous interroge, vous pourrez attester que je ne suis plus le maître du vaisseau, mais que j’ai cédé la dahabïe à Kara ben Nemsi, comme il me l’a demandé.
— Nous l’affirmerons ! » dirent en chœur les matelots sans manifester aucune surprise : les Orientaux ne s’émeuvent pas pour si peu.
Le sandal se trouvait alors sur la même ligne que nous. Son capitaine me parut âgé, grand et maigre ; il portait une touffe de plumes de héron sur sa coiffure. S’approchant du bord, il nous héla :
« Ohé ! la dahabïe, quel capitaine ? »
Je voulus répondre moi-même :
« Hassan Abou el Reïsan.
— Bien, je le connais. Avez-vous une femme à bord ?
— Oui.
— Rendez-nous-la.
— Khalid ben Mustapha, tu es fou !
— Nous la prendrons.
— Nous verrons cela. D’abord, gare à tes plumes de héron ! »
Je tirai en même temps ; la coiffure du vénérable Mustapha