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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/126

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sur les bords du nil

Isla et moi nous lui remîmes nos passeports ; le brave fonctionnaire les lut attentivement et nous les rendit avec une mine assez embarrassée. Lorsque je le vis convaincu que nous n’étions pas des gens sans aveu, je m’écriai :

« Comment ! un Zablié-bey, un bimbachi ne connaît pas son devoir ! Il oublie de porter l’écrit du Grand Seigneur à son front, A ses lèvres, A ses yeux, et de le montrer aux assistants, pour qu’ils s’inclinent devant ce vénérable papier, comme si Sa Hautesse était véritablement présente ! Le grand vizir de Constantinople sera averti de ta conduite ; il saura quel cas tu fais du sultan ! »

Le bimbachi me regardait avec une terreur croissante ; je continuai, plein d’assurance :

« Tu me demandais tout à l’heure de m’expliquer ; eh bien ! écoute-moi. Nous sommes les plaignants, et, je te le répète, c’est Mamour qui doit prendre notre place, nous la sienne…

— Qui se plaint de lui ?

— Moi, cet homme, et encore celui-là, nous tous enfin ; nous l’accusons de tchikarma, de rapt, comme lui-même voudrait nous en accuser. »

Abrahim s’agitait furieusement, mais je ne poursuivais pas moins mon discours :

« En vérité, je suis fâché, bimbachi, d’être obligé de te faire de la peine ; seulement…

— Quelle peine prétends-tu me faire ?

— Ne dois-je pas te forcer à juger un homme que tu dis connaître comme ton frère, comme toi-même ? que tu as visité dans son gouvernement d’En-Nassar ? Ne dois-je pas te convaincre que je le connais encore bien mieux ? Il se nomme Daoud Arafim ; il était attaché au service du Grand Seigneur en Perse ; mais il s’est si mal acquitté de ses fonctions, qu’il a subi la bastonnade à Ispahan. »

Abrahim, pâle de rage, s’était levé en criant : ce Chien ! Zablié-bey, cet homme n’a plus sa tête !

— Zablié-bey, laisse-moi achever ; je te montrerai que ma tête tient mieux sur mes épaules que la sienne.

— Parle !

— Tu vois cette femme : c’est une chrétienne, une femme libre du Karadagh (Monténégro) ; eh bien, il l’a enlevée par surprise et