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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/133

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les pirates de la mer rouge


qu’elles voulaient tuer Sidna Moussa et les siens. Ici toutes les barques, tous les vaisseaux hâtent leur marche, car Allah, que les Hébreux nomment Jéhovah, a maudit cet endroit.

— Je ne pourrai, en ce cas, m’embarquer sur cette rive ?

— Non, Sidi ! Est-ce à Suez que tu vas ? Nous t’y conduirons avec nos chameaux aussi vite que si tu prenais une barque.

— Je ne vais point à Suez, mais à Tor.

— Prends la mer, alors, mais pas en ce lieu, aucun vaisseau n’y aborde ; permets-nous de te conduire encore un bout de chemin vers le sud. Nous atteindrons un endroit que les esprits ne hantent point, et où tu trouveras des embarcations.

— Combien avons-nous encore de marche ?

— A peine trois fois le temps que les Francs appellent une heure.

— Eh bien, allons ! »

Pour me rendre aux bords de la mer Rouge, j’avais abandonné la route ordinaire du Caire à Suez. Entre ces deux villes s’étend un désert, ou du moins ce qui fut jadis un désert. On a longtemps redouté ce lieu, à cause du manque d’eau et des brigandages des Bédouins maraudeurs. Maintenant un commencement de civilisation pénètre dans ces contrées, le prétendu désert ne présentait pas plus d’intérêt pour moi qu’une route battue ; c’est pourquoi je voulais éviter Suez, qui n’avait aucun aspect nouveau à m’offrir, et chercher un chemin moins connu.

Nous continuâmes donc notre marche ; bientôt je vis émerger à l’horizon les sommets nus et arides du Djékem et du Da-ad, tandis qu’à droite les hauteurs du Djebel Gharib devenaient de plus en plus distinctes ; nous laissions derrière nous la tombe de Pharaon ; à gauche brillaient toujours les eaux de la mer Rouge, formant une anse dans laquelle un petit vaisseau se montrait à l’ancre. C’était une de ces embarcations qu’on nomme sambouks sur la mer Rouge. Elles ont environ soixante pieds de long sur quinze de large. Les deux extrémités sont couvertes en planches, de façon à ménager deux petits réduits où se tiennent le capitaine et les passagers de distinction. Le sambouk marche à la rame ; il a de plus deux voiles triangulaires, dont l’une, placée très en avant, forme, lorsque le vent la gonfle, comme une sorte de demi-ballon à la proue du vaisseau, et rappelle exactement ces antiques galères qu’on voit sur les monnaies des anciens ou sur de vieilles