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les pirates de la mer rouge

Le passage pour gagner la cabine du capitaine restait libre ; nous rampions toujours, Halef et moi, et nous parvînmes jusqu’à la porte : grâce à l’incurie orientale, cette porte était entr’ouverte.

D’ailleurs, les verrous eussent fait peu de bruit, car toute la serrure consistait en un morceau de cuir.

Nous pénétrâmes sans encombre dans la cabine. De là il n’y avait qu’un pas pour sauter sur le rivage ; je repris mes armes, ma montre et mon compas. Quant à mon argent, on ne m’en avait pas dépouillé.

« N’emportons-nous rien ? demanda Halef.

— Prends cette couverture, nous en aurons besoin pour la nuit.

— Rien que cela ?

— Oui.

— Mais il y a ici tant d’argent !

— Qu’importe, il ne nous appartient pas.

— Quoi ! Sidi, tu ne veux pas prendre d’argent ? Tu vas laisser aux voleurs le prix de leurs pillages, tandis que nous manquerons de tout ?

— Veux-tu devenir voleur toi-même ?

— Moi, hadji Halef Omar, ben hadji Aboul Abbas, ibn hadji Daoud el Gossarah, un voleur !… Sidi, tu ne devrais pas me parler ainsi ! Toi-même ne viens-tu pas de me commander de prendre les armes de l’Arabe ? Ne veux-tu pas emporter cette couverture ?

— Ce n’est point un vol, Halef : nos armes nous ont été enlevées ; on ne nous a laissé ni tapis ni couvertures ; nous avons le droit de nous dédommager du tort que nous ont fait ces pirates. Mais ils ont respecté notre argent.

— Pas le mien, Sidi ! ils m’ont tout pris.

— En avais-tu beaucoup ?

— Ne me payes-tu pas[1] tous les quinze jours ? J’avais tout économisé ; ils m’ont tout volé. Laisse-moi reprendre mon bien. »

Il s’approchait du coffre-fort. Les circonstances semblaient nous permettre de nous restituer à nous-mêmes ce que ces brigands nous avaient enlevé. Je ne me sentais guère en état de dédommager Halef, et n’osais lui imposer le sacrifice de son pécule. Je

  1. Je donnais à Halef chaque quinzaine une somme équivalant à onze francs.