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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/198

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les pirates de la mer rouge

— Ce qu’on fera d’eux plus tard ne me regarde pas, ni toi non plus. Pour aujourd’hui, tu devrais te montrer généreux : n’es-tu pas fiancé ?

— Sidi, voudrais-tu faire le delyl près de cette Hanneh, toi ?

— Mais oui, si j’étais musulman.

— Seigneur, tu es chrétien, tu es un Franc, tu ne peux parler de ces choses. Sais-tu ce que c’est que l’amour ?

— Oui, l’amour est comme la coloquinte : qui en goûte s’en trouve mal.

— Sidi, comparer l’amour à la coloquinte ! Qu’Allah éclaire ton esprit et réchauffe ton cœur ! Une bonne femme est comme une pipe de jasmin. »

Notre entretien sentimental fut interrompu par l’arrivée de la troupe, qui du reste nous laissa bientôt continuer notre chemin, car les portes de Djeddah étaient en vue. Avant de nous séparer, le cheikh me dit :

— Nous t’attendrons ici, Sidi. Quand reviendras-tu ?

— Je reviendrai avant que le soleil ait avancé de la longueur de la lance.

— N’oublie pas le papier, ni l’encre, ni la plume, Sidi. Qu’Allah te protège jusqu’au retour ! »

Les Ateïbeh s’accroupirent en cercle auprès de leurs chameaux ; nous rentrâmes dans la ville.

« Eh bien ! dis-je à Albani, n’est-ce pas là une aventure conditionnée ?

— En vérité ! j’ai même cru qu’elle finirait avec du sang, mais j’avais préparé mes armes.

— Oh ! vous ressembliez tout à fait au paladin Roland. Et comment vous trouvez-vous de votre chevauchée sur la bosse d’un chameau ?

— Pas trop mal, quoique je préfère encore un bon canapé. Est-ce que vous allez réellement retourner avec ces gens ? Je vous dis adieu, en ce cas, car je ne compte pas vous revoir avant mon départ.

— Qui sait ! nous nous retrouverons peut-être encore ! »

Nous nous rendîmes chez le chamelier pour lui restituer nos montures ; puis après avoir fort tendrement renouvelé nos adieux, nous rentrâmes chacun chez nous. Je fis mon petit paquet, je payai mon hôte. Deux ânes, accompagnés de leur conducteur,