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UNE AVENTURE EN TUNISIE

« Que trouves-tu ? interrogea Halef.

— Cet homme n’est pas de race arabe.

— Qu’en sais-tu ?

— C’est un Français.

— Un Franc, un chrétien ? à quoi vois-tu cela ?

— Quand un chrétien prend une femme, les deux époux échangent des anneaux où ils ont fait graver leur nom avec la date de leur mariage.

— Et cet anneau est ainsi gravé ?

— Oui.

— Mais comment vois-tu que ce mort appartenait au peuple franc ? Il est peut-être tout aussi bien Ingli, ou Nemsi comme toi.

— Non, ce sont des signes français.

— N’importe, tu peux te tromper, Effendi ; on trouve ou l’on vole souvent un anneau.

— C’est vrai ; mais regarde la chemise, elle a les mêmes marques.

— Qui l’a tué ?…

— Ses deux compagnons ; ne vois-tu pas sur le sable la trace de la lutte ? Ne remarques-tu pas que… »

Je m’étais relevé pour interroger les alentours, Halef me suivait ; non loin du mort commençait une large traînée de sang. Mon revolver au poing, pour n’être pas surpris par les meurtriers, j’avançai quelques pas dans cette direction. Un grand coup d’aile se fit entendre soudain ; je courus à la place d’où s’envolait encore un vautour ; un chameau gisait là, dans un creux de sable, le poitrail ouvert par une affreuse blessure. Halef levait les mains au ciel.

« Un superbe chameau gris, un touareg ! gémissait-il, ils l’ont tué ! Oh ! les chiens ! les assassins ! les brigands ! »

Évidemment Halef déplorait bien davantage la perte du chameau que celle du Français. Il s’accroupit près de la bête pour fouiller les fontes de la selle ; elles étaient complètement vides.

« Les voleurs ! ils ont tout pris ! continuait l’Arabe ; puissent-ils brûler éternellement dans l’enfer ! Rien, non, rien ! ils n’ont laissé derrière eux que la carcasse du pauvre chameau et ces papiers dispersés dans le sable ! »

Cette exclamation me frappa ; je vis, en effet, à quelque distance des papiers froissés que je n’avais pas remarqués d’abord ;