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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/242

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une bataille au désert


pétuelles, se transmettant, de génération en génération, des haines inextinguibles les unes contre les autres. Comme elles doivent éviter de se rapprocher, leurs inimitiés mutuelles ne contribuent pas peu à rendre leur vie errante et leurs campements sans stabilité.

— Excellent ! Aventures possibles pendant nos fouilles. Parfait ! » exclamait mon insulaire.

Je repris :

« Le mieux, suivant moi, serait d’interroger le premier Bédouin que nous rencontrerons, et de lui demander de nous conduire au campement le plus rapproché, afin de nous entendre avec ces nomades.

— Très bien ! Partons tout de suite.

— Ne restons-nous pas encore un jour ici pour nous reposer ?

— Perdre un jour ici sans commencer les fouilles ! Oh ! non… Partons ! »

Il fallait bien répondre à un désir si véhément ; d’ailleurs, en réfléchissant aux aventures de la matinée, je me disais qu’il était prudent de quitter la place ; nous roulâmes nos légères tentes, que les domestiques prirent avec eux sur leurs chevaux, et nous suivîmes la route du lac Sabaka.

C’était un vrai plaisir de chevaucher au milieu de ces plaines fleuries. Chaque pas de nos montures soulevait des nuages de pollen embaumé qui nous enivraient de parfums.

Je comparais volontiers cette contrée aux plantureuses savanes de l’Amérique. Nous avions bien choisi notre direction ; au bout d’une heure à peu près, nous vîmes s’avancer vers nous trois cavaliers ; leurs manteaux flottants, leurs longues plumes agitées faisaient dans le lointain un effet très pittoresque. Ils vinrent droit à nous en poussant leur cri de guerre et tenant la lance en arrêt.

« Entendez-vous ? me dit mon compagnon ; ce sont de véritables hurlements. Vont-ils nous attaquer ?

— Non, c’est la façon de saluer de ces gens ; il ne faut pas avoir l’air de les craindre, autrement ils ne nous regarderaient pas comme des hommes de cœur.

— Soyons donc des hommes de cœur ! » murmura Lindsay.

Il ne broncha pas d’une ligne ; il ne sourcilla même pas quand la lance de l’Arabe toucha presque sa poitrine en manière de salut.