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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/246

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une bataille au désert


cher, fumer, piller, se battre et se surprendre les uns les autres par des ruses de guerre.

— Très agréable ! Je voudrais être cheikh…; mais les fouilles avant tout ! »

Cependant, en suivant nos guides, nous arrivions dans une partie plus animée de la plaine ; bientôt nous aperçûmes la tribu entière se préparant à une halte. Il n’est pas facile de peindre le coup d’œil offert par ces peuplades nomades, au moment où elles changent de place et se dirigent en longues files vers de nouveaux pâturages.

J’avais traversé le Sahara et parcouru une partie de l’Arabie, où j’avais étudié beaucoup de tribus des Arabes de l’occident ; mais celles-ci offraient un aspect tout différent. Entre les peuplades des oasis du Sahara et celles de la plaine des Sennaar, comme l’appelle la sainte Écriture, le contraste est frappant à l’extérieur ; il l’est aussi dans les habitudes de la vie et les mœurs intimes.

Nous nous trouvions dans une prairie presque sans limite, n’ayant aucune ressemblance avec les oasis de l’ouest et rappelant plutôt une savane immense, couverte de fleurs, riante et parfumée.

Là on dirait que le brûlant simoun n’a jamais soufflé sur la plaine. Point de dunes sablonneuses, point de ruisseaux au lit desséché, point de fée Morgane épiant le voyageur fatigué pour lui faire sentir sa maligne influence et l’éblouir de son mirage.

Toute cette plaine présente l’image d’une vie heureuse, facile, fleurie ; les hommes qui l’habitent ne sont ni sauvages ni sanguinaires, comme du côté ouest du Nil ; la lumière même de ce vaste horizon a des reflets plus doux, plus calmes que ceux du soleil brûlant du désert.

Plus nous avancions, plus nous nous étonnions de l’immense quantité de troupeaux rassemblés dans la prairie : chevaux, brebis, chameaux, formaient une innombrable multitude ; nous en avions maintenant devant et derrière nous, à droite, à gauche, aussi loin que le regard pouvait porter ; on eût dit une mer onduleuse dont chaque tête de bétail représentait une vague. Bientôt nous aperçûnaes de longues files de bœufs et d’ânes chargés des tentes repliées, des bagages, des ustensiles, etc. Les uns étaient couverts de tapis aux riches couleurs ; les autres portaient de