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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/247

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une bataille au désert


monstrueux chaudrons dominant une montagne d’effets empilés sur le dos de ces pauvres bêtes ; on avait lié les vieillards, les malades, quelques femmes incapables de marcher ou de se tenir en selle. Je remarquai un âne dans le bât duquel, — ou plutôt dans le sac pendu à la selle, — se montraient les petites têtes curieuses de deux enfants qui regardaient par une étroite ouverture. Comme contrepoids on avait mis de l’autre côté des agneaux et des chevreaux bêlant d’une façon lamentable à chaque pas du pauvre baudet.

Les gens valides du camp suivaient à pied : jeunes filles vêtues seulement de l’étroite chemise arabe, femmes portant leurs enfants sur l’épaule, petits garçons poussant joyeusement devant eux un troupeau de moutons.

Après eux venaient les conducteurs de dromadaires, gravement assis sur leurs bêtes et tenant en maiu, au bout de longues cordes, les plus beaux chevaux de la tribu ; enfin les cavaliers, munis de longues lances garnies de plumes et courant comme le vent dans la plaine pour mettre de l’ordre dans la marche du convoi, pour ramener les bêtes qui s’en écartaient.

Rien de singulier comme l’aspect et le harnachement des chameaux qui servent de montures aux femmes des chefs. J’avais vu souvent, en traversant le Sahara, des chameaux portant des paniers semblables à de longs berceaux, où se tiennent les voyageuses de distinction. Ici deux perches, longues de dix mètres au moins, sont placées devant et derrière la bosse du chameau, en travers du dos de l’animal, puis réunies à leurs extrémités par des cordes ou des lanières de cuir ; on les garnit, ainsi que la selle et les brides, de franges, de houppes de toutes couleurs, de coquillages, de grains de verroterie, etc. Le cadre ovale formé par les perches s’étend à plusieurs mètres à droite et à gauche de la bête ; sur la bosse du chameau se trouve un filet ou une pièce d’étoffe, maintenue en hauteur par une sorte de carcasse et affectant à peu près la forme d’une guérite, laquelle est également agrémentée de pompons, de houppettes, de bouffettes de toutes sortes. Au milieu de ce belvédère s’assied la dame, comme sur un trône orné de son dais.

Les proportions de cet équipage sont tellement exagérées et singulières, que l’ensemble présente de loin un peu l’effet d’un papillon monstre ou d’une gigantesque libellule aux ailes tom-