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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/314

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une bataille au désert

— Ah ! misère ! »

Lindsay s’assît mélancoliquement à l’ombre d’un buisson d’euphorbes. Je résolus de faire une reconnaissance aux alentours ; je donnai quelques instructions à mes hommes, et partis du côté du fleuve, au sud.

Mon cheval, comme tous ceux des Chammar, était un grimpeur intrépide ; je pouvais tenter avec lui la montée du Djebel jusqu’à son extrême pointe.

Arrivé à une place assez élevée déjà, j’interrogeai l’horizon avec ma longue-vue. De l’autre côté de l’eau, sur la rive gauche, tout était en mouvement. La plaine se remplissait de cavaliers allant et venant jusqu’au Tell Hamalia, au delà du torrent de Chelab ; je voyais distinctement une grande quantité d’outres en peau de chèvres, qu’on s’occupait à attacher aux radeaux pour la traversée des Obeïd. Je ne pouvais me rendre compte de ce qui se passait plus près de moi, sur la rive occupée par les Haddedîn, à cause des hauteurs qui entourent la vallée de Dradji. Comme le temps ne me manquait point, je tentai l’ascension de ces cimes.

Pour arriver jusqu’à la crête et gravir le sommet Je plus élevé, j’estimai qu’il me fallait au moins une heure ; heureusement mon cheval ne paraissait pas plus fatigué que s’il venait de quitter sa litière. Je grimpai avec lui d’abord sur une sorte de muraille de roches, que je suivis en regardant le lit de l’Oued Deradji s’étendre à mes pieds ; dans toutes les anfractuosités des rochers, dans tous les plis avantageux du terrain, se cachaient et épiaient les meilleurs tireurs des Haddedîn.

Plus loin, du côté opposé, j’aperçus un camp nombreux dont on démontait les tentes. C’étaient les Abou Hamed et les Djouari qui se préparaient au combat. A la place même où ils campaient encore, les troupes de Sardanapale, de Cyaxare et d’Alyatte avaient campé. Là les guerriers de Nabopolassar s’étaient agenouillés avec terreur, le cinquième mois de la cinquième année de ce monarque, quand survint cette éclipse totale de lune, suivie d’une éclipse totale de soleil, qui rendit si terrible la bataille d’Halys et répandit tant d’épouvante parmi les guerriers assyriens. Là encore la cavalerie s’était noyée, dans les eaux du Tigre, quand Nabuchodonosor passa en Egypte pour détrôner le roi Hopra. Oui, c’étaient bien ces mêmes eaux qui retentirent du chant de mort dont les montagnes de Kara Zichook, de Zibar et