Aller au contenu

Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/319

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
317
une bataille au désert

Il tourna machinalement la tête et ne vit personne ; je criai de toutes mes forces :

« A moi, les hommes ! »

Aussitôt ma troupe s’élança hors de l’embuscade, en menaçant de ses armes les guerriers de l’Obeïd.

« Ah ! murmura celui-ci, tu es prudent comme un Abou Heïssan (surnom du renard) ; mais tu peux bien tuer les lions, tu ne prendras pas le cheikh Eslah ai Mahem ! »

Il saisit son grand sabre recourbé ; puis, lançant sur moi son cheval, leva cette arme terrible au-dessus de ma tête. J’évitai le coup et visai facilement sa monture, qui l’entraîna dans sa chute ; il se releva rapidement. Alors commença entre nous deux une lutte acharnée. Cet homme était d’une vigueur et d’une force peu communes. Je parvins cependant à lui arracher son turban et à l’étourdir par un coup violent sur la nuque avant qu’il ait pu me frapper.

Pendant notre combat, tous s’agitaient autour de nous ; j’avais ordonné aux Haddedîn de ne tirer que sur les chevaux. Dès la première décharge une partie des montures de l’ennemi fut grièvement atteinte, et les guerriers roulèrent sur le sol ; en se relevant, ils trouvèrent les lances de nos hommes dirigées contre eux. Nous étions cinq fois plus nombreux. La fuite du reste leur devenait impossible ; s’ils avaient essayé de passer le fleuve à la nage, nos balles les eussent bientôt arrêtés. En revenant de leur premier étourdissement, ils semblèrent fort indécis sur ce qu’ils devaient faire. Le cheikh, dont je m’étais enfin rendu maître, se trouvait aux mains des deux domestiques de Lindsay ; le sang ne coulait point cependant ; je pouvais me féliciter de notre aventure, et je crus devoir haranguer les guerriers ennemis en ces termes :

« Obeïd, vous êtes en notre pouvoir, n’essayez point de résister. Vous êtes vingt, nous sommes cent ; votre cheikh vient de tomber entre mes mains, tous vos efforts resteraient vains.

— Tirez sur lui ! tuez-le ! criait le cheikh en se débattant.

— Si vous faites un mouvement, votre chef est mort ! repris-je avec résolution.

— Tirez sur lui ! répétait le cheikh plein de rage ; tirez sur ce loup, sur cet ibn aoua (petit-fils de chacal), sûr ce lièvre ! Vos frères me vengeront et vous aussi !