« Me promets-tu de rendre témoignage de moi, d’affirmer que je n’ai cédé qu’au nombre ? car vous êtes ici cinq contre un, et tu m’assures que mes hommes sont cernés à l’Oued Deradji ?
— Je te promets de rendre ce témoignage.
— Bas les armes ! commanda alors le chef en grinçant des dents ; mais qu’Allah te précipite au fond le plus terrible de la djehenna si tu m’as trompé, étranger ! »
Les Obeïd rendirent leurs armes. Pendant ce temps, Lindsay me tirait par la manche, et, me montrant le Grec, me disait tout bas :
« Sir, ce drôle mange du papier ! »
Je m’approchai du blessé ; il tenait, en effet, du papier froissé à la main.
« Donnez-moi ce chiffon ! ordonnai-je.
— Jamais ! »
Je pressai son poignet avec violence, la douleur lui fit ouvrir la main et pousser un cri. Le papier dont je venais de m’emparer provenait d’une enveloppe de lettre ; je ne pus y lire que ce mot : Bagdad. Notre homme était en train d’avaler le reste. Je voulais qu’il me donnât le morceau qu’il avait dans la bouche ; il refusa et fit un effort en levant la tête, pour essayer d’avaler hâtivement. Je me précipitai sur lui et le serrai à la gorge, afin de l’obliger à cracher le papier presque englouti ; j’y réussis, mais sans résultat satisfaisant, car les lignes de ce chiffon déjà mâché étaient indéchiffrables. Me tournant vers le Grec, je lui demandai d’une voix terrible :
« De qui vient cette écriture ?
— Je n’en sais rien.
— De qui l’avez-vous reçue ?
— Je n’en sais rien.
— Menteur ! on va vous abandonner ici, pour y périr misérablement, pour servir de pâture aux oiseaux de proie et aux chacals ! »
Le malheureux regarda autour de lui avec effroi, puis murmura d’un ton découragé :
« Je dois me taire.
— Bien ! le silence sera éternel, repartis-je ; nous allons nous éloigner.