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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/323

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une bataille au désert

— Effendi, supplia le blessé, je dirai tout : cette lettre vient du vice-consul de Mossoul.

— A qui était-elle adressée ?

— Au consul anglais de Bagdad.

— En connaissiez-vous le contenu ?

— Non.

— Oh ! point de mensonges inutiles.

— Je jure que je n’en ai pas lu une lettre !

— Au moins soupçonniez-vous l’importance du message ?

— Oui.

— De quoi était-il question ?

— De politique.

— Naturellement.

— Je ne puis rien dire de plus.

— Etes-vous lié par serment ?

— Oui.

— Hum ! vous êtes Grec ?

— Oui.

— De quelle province ?

— De Lemnos.

— Je l’aurais parié ! Un véritable Turc a le caractère plus droit, plus honnête, et quand il est autrement, c’est de votre faute, à vous autres Grecs. Vous vous appelez chrétiens, et vous êtes pires que tous les païens du monde. Lorsqu’en Turquie se découvre une affaire véreuse, ou un brigandage quelconque, c’est toujours un Grec qui les dirige. Tu trahirais ton serment aujourd’hui, misérable, si je te le payais, ou si je te menaçais. Tu n’es qu’un espion de la pire espèce. Comment as-tu pu te faire accepter en qualité de drogman à Mossoul ? Ne réponds pas ! je devine comment la chose s’est passée. Je sais ce dont vous êtes capables, partout où l’on vous rencontre ! Tu peux garder ton serment ! car la politique dont tu parles, je la connais. Pourquoi excitez-vous ces tribus les unes contre les autres ? Pourquoi aiguillonnez-vous tantôt les Turcs et tantôt les Persans, en les poussant contre ces malheureux ? Est-ce là agir en chrétiens ? Si vous suiviez les enseignements du Sauveur, ce n’est point la guerre, mais l’Évangile de paix et d’amour que vous auriez porté autour de vous. Vous semez l’ivraie, et vous voulez qu’elle étouffe le froment. Hélas ! votre mauvaise graine ne rend que trop au centuple !

Les Pirates de la mer Rouge.
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