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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/341

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une bataille au désert

J’étais persuadé que, malgré, toutes ces bravades, pas un ne tenterait de pénétrer jusqu’à moi ; ils avaient vu mes armes et connaissaient la force de mon poignet ; du reste, depuis l’aventure des chevaux et du lion, je me trouvais protégé chez eux par leurs idées superstitieuses. Sans se l’avouer bien nettement, tous me croyaient plus ou moins le favori du Cheïtan. Je m’assis donc assez tranquillement et goûtai même un peu de viande froide déposée au fond de la tente sur des feuilles. Dehors, les cris, les délibérations, les menaces à mon adresse continuaient de plus belle. Au bout de quelque temps j’entendis, dominant ce tumulte, le pas de plusieurs chevaux lancés au galop, puis des exclamations telles que celles-ci :

« Allah kérim ! Dieu nous vienne en aide : voilà l’ennemi ! »

Puis une course folle, puis un grand silence. Je sortis de ma cachette : la foule s’était dissipée ; tout le monde se réfugiait dans les tentes voisines ; quelques spectateurs restaient seuls sur la place. J’aperçus aussi Halef, revenu à toute bride. Il me demanda d’un air effaré :

« Sidi, es-tu blessé ? que t’ont-ils fait ?

— Rien, mais aie soin que personne ne quitte le camp. Nous serons contraints de tirer sur ceux qui chercheront à fuir. »

Je prononçai très haut ces derniers mots pour effrayer mon monde ; après quoi j’envoyai Halef dans les tentes, afin d’assembler les vieillards. Quant aux jeunes guerriers dispersés, je ne m’en occupai guère ; Halef avait ramené avec lui quelques Haddedîn que leur chef inquiet déjà envoyait au-devant de nous. Les vieux de la tribu furent longtemps à se décider. Ils tremblaient et se cachaient ; enfin l’éloquence de Halef vainquit toutes leurs craintes ; ils se réunirent en cercle autour de moi ; je les fis asseoir pour les interroger en ces termes :

« Vous voyez les guerriers qui m’accompagnent, vous les reconnaissez à leurs vêtements et à leurs armes ; qui sont-ils ?

— Des Haddedîn, seigneur !

— Et vos guerriers à vous, où sont-ils ?

— Tu le sais, seigneur !

— Je le sais, je vais vous le dire. Ils sont tous prisonniers des Haddedîn ; pas un seul ne leur a échappé.

— Allah kérim !

— Oui ; priez Allah de vous faire miséricorde ainsi qu’à eux.