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UNE AVENTURE EN TUNISIE

ombre se dressaient des tentes et des huttes échelonnées jusqu’à un groupe d’amandiers. Devant une de ces huttes fort basses, un Arabe se tenait accroupi. Halef se précipita joyeusement à sa rencontre.

« Sadek ! mon frère, le favori des Califes ! criait-il tout attendri.

— Halef, mon ami, béni par le prophète ! » répondait l’autre, et tous deux s’embrassaient avec les plus vives démonstrations.

Enfin l’Arabe se tourna vers moi et me dit :

« Pardonne si je t’oublie ! Entre dans ma demeure, elle est à vous. »

Nous suivîmes cette invitation ; Sadek était seul chez lui en ce moment ; il nous servit toutes sortes de rafraîchissements auxquels nous nous empressâmes de faire honneur. Puis Halef, jugeant le moment venu pour me présenter à notre hôte, commença ainsi :

« Voilà Kara ben Nemsi, un grand taleb du couchant qui parle avec les oiseaux et lit sur le sable. Nous venons d’accomplir ensemble beaucoup de grandes actions. Je suis son ami et son serviteur, et je le convertirai certainement à la vraie croyance. »

Cette bonne créature de Halef m’avait plusieurs fois demandé mon nom ; il gardait dans sa mémoire le son de Karl un peu altéré. Ne pouvant le prononcer, il se décidait à m’appeler Kara en ajoutant : ben Nemsi (Fils des Germains).

En quel lieu du monde avais-je jamais conversé avec les oiseaux ? il ne m’en restait aucune souvenance ; mais cela me mettait tout de suite de pair avec le roi Salomon, qui entendait le langage de tous les animaux ; j’en fus vivement flatté. Quant aux grandes prouesses accomplies en compagnie de Halef, je ne voyais pas trop en quoi elles consistaient. Je remarquai seulement que la plus ambitionnée de toutes les prouesses était, pour Halef, ma conversion à l’Islam. Le brave petit homme méritait un nouvel avertissement au sujet de cette prétention obstinée. Je dis donc à Sadek :

« Connais-tu le nom de ton ami, que voilà ?

— Oui.

— Quel est-il ?

— Hadji Halef Omar.

— Ce n’est point assez : il se nomme hadji Halef Omar, ben