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Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/65

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une aventure en tunisie

— Rassieds-toi, Effendi, raconte-moi où tu as rencontré Abou el Nasr. »

Je lui narrai mon aventure par le menu ; il écoutait en silence, branlant seulement la tête ; quand j’eus fini il me demanda :

« Tu crois donc que c’est lui qui a tué le marchand de Blida ?

— Oui.

— Tu n’as pas été témoin du meurtre ?

— Non ; mais je devine que les choses se sont passées comme je te le dis.

— Allah seul peut deviner comment les choses se passent, car il voit tout.

— vékil, ton esprit est fatigué parce que tu le charges de trop de mouton et de couscous. C’est justement par la raison qu’Allah voit tout, qu’il ne devine rien.

— Je m’aperçois que tu es un taleb, un savant qui a fréquenté beaucoup d’écoles ; tu dis des choses que personne ne peut comprendre ! Enfin tu crois qu’il a tué l’homme du ouadi ?

— Oui.

— Y étais-tu ?

— Non.

— Le mort te l’a donc raconté ?

— Vékil, un enfant sait que les morts ne parlent pas…, le mouton que tu manges le saurait aussi !

— C’est toi, Effendi, qui manques de politesse. Écoute, tu n’as pas été témoin, le mort n’a rien pu te raconter, comment sais-tu qu’Abou el Nasr est le meurtrier ?

— Je te répète que je l’ai conclu en comparant les circonstances…

— C’est possible…, mais Abou el Nasr avait peut-être une vengeance à satisfaire ; il était dans son droit.

— Non, tel n’est pas le cas ; je t’ai tout expliqué, vékil ; moi-même je n’ai rien à démêler avec cet Arménien, je ne le poursuivrai pas, et pourtant il a tué mon conducteur Sadek. Le fils de Sadek, comme tu viens de le déclarer, a le droit de se venger ; arrange-toi donc avec lui ; pour moi, je te déclare que je ne te contraindrai point à me livrer le Père de la Victoire ; mais si jamais je le rencontre sur ma route, qu’il prenne garde à lui !

— Sidi, ton discours est sage. Je vais parler à Omar. Quant à toi, reste mon hôte tant qu’il te plaira. »