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sur les bords du nil

— Non, chez un homme d’Istamboul, qui est venu avec moi et qui a loué ici un étage pour lui et son serviteur.

— Comment s’appelle cet homme ?

— Je ne sais, il ne me l’a pas dit.

— Mais son serviteur doit le dire ? »

Hassan sourit, ce qui ne lui était pas ordinaire.

« Oh ! celui-ci est un drôle qui connaît toutes les langues, quoiqu’il n’ait étudié nulle part ; il fume, mange ou chante du matin au soir. Quand on l’interroge, il répond par des paroles aujourd’hui vraies, fausses demain. Avant-hier il se donnait pour un Turc, hier pour un Monténégrin, aujourd’hui il se prétend Druse ; Allah seul peut savoir ce qu’il sera demain et après-demain.

— Et tu préfères l’invitation de cet étranger ?

— Non, j’irai chez toi quand j’aurai fumé une pipe avec lui-Adieu ! Allah te garde ! j’ai à travailler. »

Nous regagnâmes, Halef et moi, notre demeure. Je m’étendis sur mon divan et commençais à réfléchir aux aventures de cette journée, quand mon hôte entra ; après le salut d’usage, il me dit :

« Je viens te demander pardon, Effendi, car j’ai loué l’étage au-dessus du tien.

— Cela ne me gêne nullement, cheikh.

— Mais ta tête a beaucoup à penser et le domestique du locataire chante, parle, siffle sans cesse.

— S’il m’ennuie, je saurai le faire taire. »

Mon attentif propriétaire parut enchanté de mon indulgence ; il s’éloigna. Je me replongeai dans ma rêverie, quand je fus distrait par les pas de deux hommes, dont l’un montait et l’autre descendait. Ils s’arrêtèrent devant mon palier, puis je reconnus la voix de Halef demandant :

« Que fais-tu là ? Qui es-tu ?

— Et toi, qui es-tu ?… que fais-tu dans cette maison ? reprenait l’interlocuteur.

— Moi ! criait Halef du ton d’un homme offensé, j’appartiens à cette demeure.

— Et moi aussi.

— Ton nom ?

— Hamsad al Djerbaya.