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sur les bords du nil

— Moi, hadj Halef Agha.

— Un Agha ?

— Oui, le compagnon et le protecteur de mon maître.

— Qui est ton maître ?

— Le grand et célèbre médecin, qui habite cette chambre.

— Un médecin ! qu’est-ce qu’il guérît ?

— Tout !

— Tout… Ne me conte point de sornettes, il n’y a qu’un seul homme qui puisse guérir tous les maux, cet homme, c’est moi !

— Tu es donc médecin ?

— Non ; comme toi, j’accompagne et protège un maître.

— Quel est ce maître ?

— Personne ne le sait. Apprends seulement que nous demeurons aussi dans cette maison.

— Vous ne pouvez y demeurer.

— Et pourquoi ?

— Parce que vous êtes des gens peu polis et qu’on ne reçoit pas en bon lieu. Comment, quand je te demande qui est ton maître, tu refuses de me répondre !

— Oh ! je vais te le dire. Mon maître n’est pas le tien. Voilà ! »

Sur cette gaminerie, la dignité de Halef, blessée au vif, le força de se retirer. Je l’entendis descendre à toutes jambes. Le joyeux compagnon, probablement appuyé sur la rampe, chantait sans souci de cette colère une chanson qui répondait exactement, pour l’air et les paroles, à un gai refrain de mon pays.

Dès la seconde strophe je me précipitai vers la porte. Le drôle était là, vêtu d’un large pantalon bleu, d’une jaquette de même couleur ; des bottes courtes, un fez sur l’oreille complétaient son costume. Il me regarda tranquillement et continua sa chanson. Lorsqu’il eut fini, se tournant vers moi, les poings sur les hanches, il me dit d’un air tout à fait dégagé :

« Eh bien ! cela le plaît-il, Effendi ?

— Beaucoup ; où donc as-tu appris cette chanson ?

— Je l’ai faite moi-même.

— Ah ! pour cela, va le conter à d’autres ! Et la mélodie ?

— Je l’ai aussi composée, vrai ! Effendi.

— Menteur !