que le jeune Gustave Flaubert, à peine âgé de dix ans, composait des tragédies qu’il jouait lui-même avec ses camarades dans la maison paternelle, Alfred et Laure Le Poittevin assistaient à ces représentations : ils étaient tour à tour acteurs, spectateurs et critiques. Gravement, passionnément, on discutait les œuvres et les théories dramatiques. Alfred et Gustave récitaient des vers, s’entretenaient l’un l’autre dans cette exaltation d’artiste, dans cette sorte d’extase poétique, dans cette recherche fiévreuse et implacable du beau, qui épuisa prématurément Le Poittevin et finit par consumer Flaubert. Dix ans après, écrivant à son ami, Flaubert rappelle ces heures enthousiastes de leur enfance[1] :
Il n’y a rien au monde de pareil aux conversations étranges qui se font au coin de cette cheminée où tu viens t’asseoir, n’est-ce pas, mon cher poète ? Sonde au fond de ta vie et tu avoueras comme moi que nous n’avons pas de meilleurs souvenirs, c’est-à-dire de choses plus intimes, plus profondes et plus tendres même, à force d’être
Et l’année suivante, l’invitant à venir le retrouver à Croisset :
Nous serons voisins cet hiver, pauvre vieux, nous pourrons nous voir tous les jours, nous ferons des scé-
- ↑ Correspondance, tome I, pp. 74 et 103.