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de guy de maupassant

narios. Nous causerons ensemble à ma cheminée, pendant que la pluie tombera ou que la neige couvrira les toits. Non, je ne me trouve pas à plaindre quand je songe que j’ai ton amitié, que nous avons bien des heures libres à passer ensemble. Si tu venais à me manquer, que me resterait-il ? Qu’aurais-je dans ma vie intérieure, c’est-à-dire la vraie[1] ?

Jeune encore, Alfred Le Poittevin mourut, le 3 avril 1848, ayant laissé pressentir le poète de génie qu’il eût été, tel enfin qu’il s’était révélé à Flaubert. Il fut emporté par une maladie de cœur, « tué par le travail »[2]. Ses essais poétiques, ses premières ébauches, comme ce chœur des Bacchantes auquel Flaubert fait allusion dans une de ses lettres[3], et qui sont, au dire de quelques intimes qui les avaient parcourus, d’une « belle intensité d’émotion »[4], demeureront sans doute toujours ignorés[5].

Pour sa sœur Laure, devenue Mme  Gustave de Maupassant, Flaubert conserva toute sa vie une affection profonde, à laquelle se mêlaient le souve-

  1. Lettre de l’été 1846.
  2. G. de Maupassant. Étude sur Flaubert, p. V. La Tentation de Saint-Antoine est dédiée à la mémoire d’Alfred Le Poittevin.
  3. Lettre de l’été 1846. Correspondance, tome 1, p. 104.
  4. Souvenirs de Mme  de Maupassant. A. Lumbroso, p. 295.
  5. Il est inexact, comme l’affirme Mme  Caroline Commanville dans ses Souvenirs intimes sur Flaubert, p. VII que celui-ci ait parlé de son ami Alfred Le Poittevin dans la Préface aux Dernières Chansons de L. Bouilhet.