Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/35

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J’ai été, dit elle, la nourrice de mon fils Guy, et je ne permettrai à personne d’usurper ce titre. Je ne pense pas, en effet, qu’une personne étrangère puisse s’arroger un pareil droit, pour avoir, pendant quatre ou cinq jours à peine, allaité mon enfant. Je me trouvais à Fécamp, chez ma mère, lorsque je fus atteinte d’une indisposition assez légère. C’est alors que la fille d’un fermier voisin fut appelée pour me venir en aide : c’est là toute la vérité…[1] .

L’anecdote, si mince soit-elle, est curieuse et vaut la peine d’être contée ; car elle peint à merveille l’intransigeance farouche de cette affection maternelle. Mme de Maupassant, qui revendiquait jalousement l’honneur d’avoir nourri elle-même son fils, ne permit à aucun étranger de l’élever et de l’instruire, elle voulut être la première à éveiller son imagination et à former son goût. La sûreté de son intelligence, cette instruction classique qu’elle tenait de son frère lui permirent de diriger et de suivre l’essor de ce jeune esprit, observateur déjà, épris du rêve et curieux de la vie.

Elle se plaisait à rappeler comment elle sentit naître en lui l’amour des lettres et comment elle l’aida de ses conseils. Elle avait toujours pensé que Guy serait un écrivain : l’enfant ressemblait beaucoup à son oncle Alfred, au délicat poète, au fin lettré que la mort avait pris trop jeune. Plus tard,

  1. A. Lumbroso, pp. 120, 296, 297.