Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/153

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Bien souvent, je l’accorde, on a pu scientifiquement constater une dégradation géographique du milieu coïncidant avec sa décadence historique ; mais ici la première était simplement la conséquence de la seconde. L’exemple que d’ordinaire on nous cite n’est pas heureusement choisi. Les marais Pontins, en effet, existaient en partie au temps le plus prospère de la République ; certaines de leurs lagunes[1], dont le nom est mentionné par les anciens auteurs, ont été desséchées dans la suite des siècles. D’après J.-J. Ampère, les maremme du littoral étrusque avaient, dans l’antiquité, une étendue plus grande que de nos jours, car, dans leur état présent, Hannibal les eût traversées sans tant de fatigues. Un exemple mieux choisi est celui du royaume d’Orissa, autrefois un vrai paradis terrestre, et qui est maintenant presque entièrement revêtu de jungles ou parsemé de mares stagnantes empuantissant les airs : l’abandon des cultures en est l’unique cause. Même spectacle en Égypte sous la domination turque. — Et dans l’Europe même, ces despoblados de l’Aragon, qui viennent attrister

  1. Il se peut que les marais, tout en étant fort étendus, fussent cependant moins insalubres, grâce à une canalisation plus habile : les travaux du chemin de fer qui franchit les maremme ont mis à jour les restes d’importants travaux hydrauliques antérieurs à la conquête romaine. On ne saurait d’ailleurs s’expliquer l’existence, dans une région empestée, d’une ville aussi prospère que fut Populonia. Au beau temps des républiques toscanes, Massa Maribran était regardée comme un « sanatoire » ; elle fut à son tour atteinte par la malaria : depuis un quart de siècle son climat s’améliore avec les cultures.