Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/215

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nous occupe : certes, des civilisations nées sur les bords de ces fleuves acheminés vers le vide glacé de la région arctique, n’auraient pu arriver par voie normale à leur période secondaire, c’est-à-dire à la période maritime, mais on ne voit pas de rapport appréciable entre l’embouchure boréale de ces fleuves et l’absence, dans leurs bassins, de toute civilisation historique. Aux temps primitifs, les grands cours d’eau qui forment l’objet de notre étude étaient, à ce point de vue, dans des conditions encore plus défavorables, car ils n’avaient pas de débouché du tout. Le delta nilotique et le Chat-el-Arab sont des produits de l’histoire et de la civilisation bien plus que de la nature ; le bas Indus s’épanche dans le désert en coulées inutilisables ; le Gange aboutit à un labyrinthe de marigots et de marécages, dont les miasmes ont fait consacrer à Kali, déesse de la mort et de la destruction, une partie notable de la présidence du Bengale ; autrefois, dès que le Huang-ho avait dépassé la ville de Kaïfoung-fou, il cessait d’être un fleuve et rendait inhabitable le vaste triangle limité au nord par son cours actuel vers le golfe de Pétchili, au sud par le lit qu’il a abandonné il y a une trentaine d’années. D’ailleurs, et même de nos jours, l’importance de son embouchure est restée à peu près nulle pour le trafic et la navigation.

L’Amour ne présente pas les inconvénients des grands fleuves de la Sibérie : en certains points la fertilité de ses bords est proverbiale, et sans les